Portrait de Ludovic Meloen
un entrepreneur français en Andalousie
L’Andalousie est une région très prisée des Français. Son climat particulier, sa douceur de vivre et sa culture font que chaque année des millions de touristes internationaux – 12 millions en 2019 – viennent la visiter. Certains décident de s’y installer pour le plaisir, d’autres d’y monter un business. Mais voilà, le soleil est devenu de plomb ces derniers temps pour certains Français installés en Andalousie.
En collaboration avec l’édition andalouse du Petit Journal, je suis partie à la rencontre virtuelle de Ludovic Meloen, entrepreneur et propriétaire de la cafétéria Jungle Concepto à Grenade. Ludovic a quitté Paris et son poste chez Yves Saint Laurent pour Grenade qu’il a découverte lors d’un voyage en Andalousie. Tombé sous le charme de la ville de l’Alhambra, il y a ouvert en 2017, Jungle Concepto, un bar à céréales.
Comme de nombreux commerces, le tien a fermé au moment de l’état d’alarme. Comment te sens-tu aujourd’hui ? Que fais-tu de tes journées ?
Pour l’instant, je vis au jour le jour. Enfin, j’en ai profité pour faire du rangement, lire, faire du yoga, cuisiner. Tout ce qu’en temps normal, je ne peux pas faire car du matin au soir, 7 jours sur 7, je suis dans ma boutique. Là, nous sommes en phase 0, ce qui veut dire que je ne peux pas encore rouvrir mon activité. Si je me base sur les prévisions et comme je n’ai pas de terrasse, je devrais pouvoir ouvrir fin mai ou début juin. Mais dans quelles conditions ?
Les mesures d’hygiène, de sécurité et de distance sont très difficiles à mettre en place.
Un exemple tout simple avec les toilettes. On fait comment ? Chaque fois qu’un client se rend aux toilettes, je dois immédiatement passer après lui pour nettoyer mais je suis tout seul. Comment contrôler le local ? J’ai beaucoup de questions sans réponses. Si j’investis dans des cloisons en plexiglas, vais-je recevoir une aide ? Et cet investissement, est-il vraiment nécessaire si la loi change à nouveau dans 1 semaine, 2 semaines, 1 mois ?
Es-tu en contact avec les autorités ? As-tu reçu des informations extra en raison de ton activité ?
Non. Ce que je sais, c’est par la presse qui annonce les mesures, les amis et bien sûr, mon gestionnaire. Il n’y a pas de communication directe. Nous n’avons pas reçu un dossier qui contient ce que nous devons mettre en place et qui répond à nos doutes. Parce qu’en parlant autour de moi, je ne suis pas le seul à m’inquiéter. On sait bien qu’en tant qu’indépendant, cela va être plus difficile à mettre les choses en place.
As-tu bénéficié de la subvention allouée en raison de l’état d’alarme ?
Oui, mon gestionnaire a fait tous les papiers. La cessation d’activité fait que je reçois un peu plus de 650 euros par mois. Les impôts du premier trimestre ont été déplacés au mois de mai, ce qui est un peu ridicule car qui ne pouvait pas payer en avril, ne pourra toujours pas payer en mai.
Est-ce que cette aide est suffisante ? Bien sûr que non !
Il y a les charges qui continuent à tomber : la cotisation à la sécurité sociale, le loyer de la boutique, l’électricité, les fournisseurs, etc. Et ça, c’est du côté professionnel ! Après, il y a la vie privée et rebelote, le loyer, l’électricité, la nourriture, etc.
Pour tes loyers, as-tu trouvé un accord ?
Oui, et je sais que j’ai de la chance par rapport à d’autres. J’ai réussi à négocier le loyer du local pour ce mois-ci et le prochain. Pour mon logement privé, j’ai pu repousser les mensualités. Ce n’est pas grand-chose mais c’est déjà ça de pris.
On parle beaucoup de l’été qui vient. Il y a une forte demande pour rouvrir les activités, relancer le tourisme en Andalousie…
C’est normal. L’économie de l’Andalousie repose énormément sur le tourisme. L’été, c’est la pleine saison. Pour moi, c’est un peu différent. Jungle Concepto n’est pas sur la Costa Tropical ou à Marbella. Je suis dans le centre de Grenade et ma clientèle est composée principalement d’étudiants. Quand je vais pouvoir rouvrir, ces étudiants ne seront plus là. De même, j’ai beaucoup de clients étrangers. Je suis répertorié dans Le Routard et sur plusieurs sites coréens. Là, avec la fermeture des frontières, je dois dire adieu à cette clientèle. Et puis en été, les gens de Grenade vont à la plage. La ville se vide. Je pense que pour une ville comme Grenade qui en été vit surtout grâce au tourisme étranger, cela va être dur !
Comment vois-tu donc ton futur ?
Je ne sais pas. Je me pose beaucoup de questions. Est-ce que les gens vont continuer à sortir comme avant ? Quelles vont être leurs priorités ? Quelle sera la réaction individuelle de chacun ? Mon modèle, est-il encore fiable ? Aujourd’hui, je peux tenir. Mais qu’en sera-t-il dans 3 mois ? Dans 6 mois ? Aller vers la vente à emporter ? Mais donc renoncer au contact ?
Quand on sort, c’est aussi et surtout un moment de détente en compagnie, de socialisation.
Si je me dirige vers la vente à emporter, cela veut dire plus d’emballages, plus de transports, alors que nous savons que la pollution est un problème majeur de notre société. Je suis un entrepreneur mais avant tout un consommateur. Si je me pose toutes ces questions, d’autres aussi. Pour autant, je n’ai pas peur. Je suis positif. Cette situation va peut-être nous faire changer, revoir nos modes de vie. En attendant, patientions !
Pour profiter du Jungle Concepto, rendez-vous au numéro 19 de la Calle Málaga à Grenade 18002 et retrouvez-le sur Instagram
À l’origine, cet article a été écrit par Coralie Neuville et publié pour l’édition andalouse du Petit Journal. L’édition andalouse du Petit Journal a décidé de donner la parole aux entrepreneurs à l’heure de la crise du Covid-19. Cette interview de Ludovic Meloen, entrepreneur en Andalousie fait suite à celle d’Antonio Guttiérez, styliste de mode flamenca.